Comme vous le voyez, la Victime est en haut du triangle. Bien qu’elle soit “victime” et donc subit le rôle des deux autres personnages, c’est elle qui mène le jeu. En effet, sans elle le Sauveur et le Persécuteur n’ont aucune raison de se rencontrer. La victime est donc le maître du Jeu des scénarios dramatiques relationnels.
Explication du jeu psychologique:
Il faut savoir que tout le monde à un moment ou à un autre de sa vie joue à ce jeu psychologique, de manière inconsciente. Les rôles par contre, ne sont pas fixés, et nous passons très facilement de la Victime au Persécuteur ou au Sauveur, au cours d’une même conversation. Par contre, nous avons tous une petite préférence sur le rôle à adopter, en fonction de la situation.
Dans ce jeu, aucun des trois acteurs n’a envie que la situation évolue positivement. Car chacun est satisfait de son rôle et en retire un intérêt personnel. Cela fait que la Victime ne sortira pas volontairement de son rôle de victime, le Sauveur ne cherchera pas vraiment à aider la victime, et le Persécuteur ne cherchera pas non plus à enfoncer la victime. Ils font tous semblant, comme dans une pièce de théâtre.
Nous retrouvons aussi cette structure dans la plupart des contes dramatiques :
Par exemple : Blanche-Neige, la méchante belle-mère, et le prince charmant / Le chaperon rouge, le loup et le chasseur / Cendrillon, sa famille et le prince…
Le rôle de la Victime:
On peut bien entendu se demander quel bénéfice la Victime tire du fait d’être persécutée :
- La Victime attire l’attention sur elle, et en particulier l’attention du Sauveur. Pour des personnes ayant des problèmes de manque affectif, c’est donc la situation idéale pour recevoir de la compassion, de la protection et de l’attention. De plus, elle ne connaît pas ses propres besoins, ni comment y subvenir, elle espère donc que quelqu’un d’autre s’en chargera (Le Sauveur).
- La Victime peut se plaindre. Comme elle est la Victime, elle se sent dans son droit pour se plaindre, ce qui lui fait du bien d’extérioriser ses plaintes.
- La Victime ne veut pas reconnaître ses responsabilités, et n’a pas à faire l’effort de changer. Comme elle est la Victime, tout le mal est dû au Persécuteur, et bien sûr cela lui donne l’image d’une personne irréprochable.
Ses phrases favorites sont : “Je fais tout bien et il me fait sans cesse des reproches.” – “Je ne vois pas comment le satisfaire, il n’est jamais content de toute façon.” – “Je n’ai jamais de chance, pour vous c’est plus facile.” – “Tu ne viens jamais me voir, personne ne fait attention à moi”. Comme vous pouvez le remarquer, ce sont principalement des phrases négatives et généralisatrices.
Tout cela fait que la Victime n’a pas vraiment envie que la situation change, elle se sent à l’aise dans son rôle. D’ailleurs si la situation s’arrangeait, elle n’aurait plus l’attention dont elle bénéficie, plus d’excuses pour justifier ses problèmes, et ne pourrait plus cacher sa paresse d’assumer ses responsabilités / besoins.
Une personne qui est prête à tenir le rôle de Victime cherche alors à attirer un Sauveur. Par conséquent, elle appelle quelqu’un d’autre à être son Persécuteur. Si personne ne veut jouer le rôle du Persécuteur, la Victime l’inventera (ce sera alors les corvées, les factures, etc.).
Le rôle du Sauveur:
L’intérêt du Sauveur est bien plus évident, car devenir Sauveur c’est tenir un rôle plutôt gratifiant. Il permet d’avoir une bonne image de Soi, et aussi une bonne image auprès des autres. Mais ce n’est pas tout, car cela lui apporte de la satisfaction que quelqu’un lui fasse confiance et il se réjouit d’avoir quelqu’un dépendant de lui, et donc d’avoir du contrôle sur lui.
Et c’est là tout le problème, le Sauveur place la Victime en incapacité : pour lui, la Victime ne pourrait pas s’en sortir sans sa présence.
Le Sauveur est bien souvent une ancienne Victime d’un autre Jeu qui ressent du mal-être en voyant la même situation se produire chez autrui, ce qui le pousse à agir même quand on ne lui a rien demandé. Puisqu’en réalité, il s’occupe des besoins des autres pour oublier ses propres besoins insatisfaits.
Ses phrases favorites sont : “Je suis occupé mais je vais t’aider.” – “J’ai fait ça pour toi.” – “Laisse-moi m’en occuper.” – “Je vais régler ça”.
Le Sauveur n’a donc ainsi pas plus d’intérêt à ce que la situation s’arrange, car tout comme la Victime, si le problème prend fin, il n’a plus de raison d’exister et la personne qui jouerait ce rôle perdrait ainsi tous ses avantages.
Il est à différencier des “sauveteurs” : pompiers, secouristes… qui eux passent à l’action et corrigent la situation en ne faisant pas semblant d’essayer comme le fait le Sauveur.
Enfin, pour que le Sauveur puisse perdurer, il a besoin d’une Victime mais aussi d’un Persécuteur pour justifier son existence.
Le rôle du Persécuteur:
Le Persécuteur (ou aussi appelé Bourreau), tire son intérêt en libérant ses pulsions agressives sur quelqu’un d’autre, la Victime. Il le fait souvent pour obtenir quelque chose en retour, c’est-à-dire s’imposer sur la Victime de manière violente et à son propre bénéfice.
C’est d’ailleurs souvent un Sauveur déçu qui – ne sachant plus comment s’y prendre – emploie la manière forte, ou bien encore une Victime qui a décidé de se protéger et se venger. Le Persécuteur n’a conscience que de ses propres besoins et nie ceux des autres.
Il établit les règles, décide, dirige et corrige à la moindre erreur. Il ne pardonne pas le plus petit écart et n’hésite pas alors à tenir des propos dévalorisants, voire humiliants, à faire des critiques destructrices, à mettre son interlocuteur en position d’infériorité, à faire culpabiliser.
Cela dit, ce n’est qu’un rôle et en vérité il cache une personne pétrifiée de peur face aux relations, et qui cherche à se défendre d’un ennemi imaginaire. Il a donc besoin d’une victime pour se sentir capable et fort.
Ses phrases favorites sont : “Tu ne fais rien comme il faut !” – “Je te le dis tout le temps !” – “Tu n’arrêtes jamais de !” …
D’ailleurs, contrairement aux deux autres rôles, le Persécuteur n’est pas toujours une personne. Cela peut aussi être une maladie, un handicap, une addiction, etc.
Le Persécuteur, tout comme les autres protagonistes, ne reste pas toujours un Persécuteur. Les rôles peuvent être redistribués lors des fameux “coups de théâtre“, lorsque la situation qui devient intenable pour l’un des protagonistes, lui fait alors changer de rôle et change par là-même celui des autres.
Par exemple: Un Sauveur fatigué de ne pas voir la Victime le laisser agir, deviendra Persécuteur. Ou bien la Victime fatiguée de voir le Sauveur tout décider, choisira d’être Persécuteur. Le Persécuteur adapte ensuite son rôle en fonction de ce changement, si le Sauveur devient Persécuteur, le Persécuteur deviendra Sauveur, ou si le Sauveur est rejeté par la Victime il deviendra Victime lui-même et la Victime, Persécuteur.
Se sortir du Triangle de Karpman
Les rôles joués dans un tel triangle sont destructeurs, vous conduisent à vous enfermer dans une spirale infernale qui ne vous rendra pas heureux, malgré les quelques bénéfices dont vous croyez pouvoir tirer, d’autant plus que tout cela conduit à une fausse perception de la réalité.
Ainsi, si vous pensez jouer un rôle dans un triangle de Karpman, vous devriez songer à en sortir.
Pour commencer, il faut déjà prendre conscience du rôle que l’on joue et celui des autres personnes autour de nous. Regardez la relation que vous avez avec ceux-ci, pensez à vos émotions et comportements dans la vie de tous les jours, car ce sont toujours les mêmes scénarios qui reviennent inlassablement dans ce Jeu psychologique.
Une solution simple pour se sortir de là c’est de ne pas assumer votre rôle. Pour que le Triangle de Karpman fonctionne il faut une Victime, un Persécuteur, et un Sauveur.
- Vous avez tendance à vous plaindre ? Vous devez rester acteur de votre vie, responsable et ne pas vous poser en victime et ne jamais attendre des autres qu’ils vous prennent en charge lorsque vous êtes en difficulté.
- Vous avez tendance à sauver les autres ? Vous devez vous rappeler qu’aider n’est pas sauver, et vous demander lorsque vous avez envie d’intervenir : si la personne que vous aidez vous a fait une demande, si l’effort est partagé ou si vous allez tout faire seul(e), et si vous avez bien défini la limite de cette aide.
- Vous avez tendance à être agressif ? Vous devez veiller à tempérer votre colère lorsque vous êtes mécontent du travail des autres, du comportement de vos proches, et apprendre à communiquer sans être agressif ou trop autoritaire.
Un autre moyen de s’en sortir est de jouer le « miroir », si votre interlocuteur joue la Victime, faites la Victime, s’il joue le Sauveur, faites le Sauveur et s’il joue le Persécuteur, faites le Persécuteur. C’est une bonne façon de bloquer le jeu car vous ne jouez pas le rôle complémentaire.
Par exemple si quelqu’un se plaint à vous de ses difficultés pour que vous le preniez en charge, parlez vous aussi de vos propres malheurs et difficultés en essayant vous aussi de vous faire prendre en charge.
Cela lui enverra le message clair que vous n’êtes pas complémentaire et qu’il devra aller chercher ailleurs son partenaire de Jeu !
Rester bienveillant et factuel, informatif, interrogatif, neutre et professionnel peut aussi signifier que l’on ne se laisse pas prendre. Demandez de clarifier très précisément ce qui est attendu de part et d’autre dans la relation peut aussi aider l’interlocuteur à se “re-saisir” pour répondre aux questions et participer à une discussion plus productive.
Une dernière stratégie plus violente – si rien ne marche – est de foncer dans le Jeu en créant une escalade de puissance. Beaucoup d’adeptes du Triangle Dramatique veulent jouer, mais de façon socialement acceptable et pas trop forte. Ils risquent d’arrêter rapidement leurs tentatives s’ils s’aperçoivent que vous risquez d’aller beaucoup plus loin et beaucoup plus fortement qu’ils ne le souhaiteraient.
Cependant, la meilleure solution est de ne pas se prendre dans ce Jeu, en veillant à vous sortir de votre rôle dès que vous le reconnaissez dans une relation quelconque.
AUTRE SUJET
Le point commun des personnalités malveillantes
Menée par Ingo Zettler, professeur de psychologie à l’Université de Copenhague et deux chercheurs allemands, Morten Moshagen et Benjamin E. Hilbig respectivement des universités d’Ulm et de Coblence-Landau, cette nouvelle étude basée sur un panel de plus de 2500 personnes, a donc démontré qu’il existait un dénominateur commun entre tous les traits sombres de la personnalité. Ce dénominateur commun est “une tendance à poursuivre impitoyablement son avantage propre, même lorsque cela nuit aux autres ou même dans le but de nuire aux autres pour les personnes très toxiques, tout en ayant des convictions qui justifient ces comportements”.
Les neuf traits sombres de la personnalité
Les chercheurs ont enfin rappelé quels étaient les neufs traits “sombres” de personnalité, les plus présents et les plus étudiés.
La triade noire :
- Narcissisme : sentiment de supériorité, attention excessive envers soi-même et un besoin d’attention maladif.
- Machiavélisme : attitude manipulatrice, insensible et la conviction que la fin justifie les moyens.
- Psychopathie : manque d’empathie avéré, fort contrôle de soi et impulsivité.
Les autres traits sombres de la personnalité :
- Sadisme : désir de faire du mal à autrui (mentalement ou physiquement) pour le plaisir ou par bénéfice.
- Égoïsme : préoccupation excessive de soi-même et de son propre avantage, au détriment des autres.
- Penser que les choses sont dues : croyance récurrente qu’on est supérieur aux autres et que de fait, on mérite une meilleure considération et un meilleur traitement.
- Intérêt personnel : désir intempestif d’améliorer son statut social et financier et de se mettre en valeur.
- Rancoeur revancharde : causer du mal aux autres, quitte à se faire mal à soi-même pendant le “processus”.
- Le désengagement moral : possibilité de se comporter sans éthique, sans jamais ressentir de détresse ou de culpabilité.
Les passifs-agressifs, ces nouveaux bourreaux du lien social
Parmi les bourreaux du lien social, on trouve les manipulateurs, les pervers narcissiques et … les passifs-agressifs. Considéré parfois comme un véritable trouble de la personnalité, ce comportement oscillerait entre la résistance passive et la colère teintée de lâcheté. Mais que se cache-t-il sous cette attitude suffisante : haine réprimée, impuissance apparente, immaturité comportementale ou malaise relationnel ?
Qui sont ces passifs-agressifs qui rendent toxiques toutes sortes de relations interpersonnelles ? Et comment les reconnaître ? La première fois que ce terme de “passif-agressif” est apparu, c’était lors de la Seconde Guerre mondiale : des psychiatres de l’armée américaine remarquèrent un comportement de “résistance passive” ou “d’obéissance réticente” de certains soldats aux ordres donnés par leur hiérarchie. Depuis, le terme s’est peu à peu galvaudé, devenant tantôt le symptôme d’une pathologie (psychose, paranoïa, etc) et d’autres fois, le qualificatif pour un ex manipulateur ou un patron irascible. “C’est la marque d’une forme de frustration”, explique Maïté Tranzer*, psychologue clinicienne à Paris, qui souligne l’aspect contradictoire d’une telle attitude.
Selon certaines théories découlant des courants post-freudiens, le comportement passif-agressif est avant tout un mécanisme de défense, partiellement conscient. Grâce à des insinuations et une communication non-verbale, le sujet va ainsi exprimer son agressivité, sa frustration ou sa colère à travers une attitude stoïque et passive. “Cette passivité-agressive vient d’un sentiment de persécution latent, d’une susceptibilité cachée, d’un self-control ou d’une tendance paranoïde”, écrit la psychologue Chantal Prévost sur son blog. Selon elle, “c’est un trait de caractère présent en chacun de nous, qui se traduit par une communication indirecte, une méfiance exagérée à l’égard de l’entourage qui s’épuise de ses rancoeurs, de ses phrases cryptées, de ses sourires en coin”.
Selon Maïté Tranzer, le comportement passif-agressif trouve ses fondements dans l’enfance. “Ce refus de l’autorité couplée à la peur de l’autonomie sont en lien la plupart du temps avec la notion d’autorité parentale”, explique-t-elle. Ainsi, un enfant qui n’a pas pu s’affirmer en tant qu’individu, pourrait par la suite présenter ce type de comportement.
Passifs-agressifs : des signes qui ne trompent pas
- Insatisfaction chronique et peur du changement : Le passif-agressif (PA) a tendance à ne se satisfaire de rien. Il n’aime pas les changements, ni le fait de devoir se soumettre à de nouvelles règles ou consignes.
- Victimisation et sarcasme : Les personnalités passives-agressives sont souvent adeptes de ce que l’on appelle le triangle de Karpman, un jeu de manipulation psychologique et dramatique qui prend la forme d’un scénario relationnel typique entre des personnes qui jouent alternativement le rôle de victime, persécuteur et sauveur. En l’occurrence, les PA préfèrent le rôle des victimes. Ils useront également de sarcasme dans leur communication, pour instaurer une ambiance tendue, dans leurs relations.
- Difficultés avec l’autorité et insoumission masquée : L’un des grands traits caractéristiques des passifs-agressifs est d’avoir des difficultés avec l’autorité (à l’instar des soldats américains à l’origine même de l’expression). Ils feront alors preuve d’une insoumission masquée, redoublant d’efforts pour ne pas suivre ce qu’on leur demande ou pour gâcher les projets sur lesquels ils oeuvrent.
- Inefficacité intentionnelle et procrastination : Les personnes passives-agressives ont tendance à saboter leurs relations – dans le domaine personnel ou professionnel – et peuvent faire preuve par exemple d’une inefficacité intentionnelle dans les tâches qui leur sont confiées. Une autre manière de défier l’autorité. Cette inefficacité latente peut parfois même prendre la forme d’une procrastination délibérée.
- Tendance au mensonge et au chaos : Une tendance à vouloir mettre le chaos sans pour autant élever la voix. Ces PA au contraire préfèreront manier le mensonge ou l’insinuation pour perturber le groupe dans lequel ils évoluent (professionnellement ou personnellement).
Comment faire face à un comportement passif-agressif ?
Ce n’est pas toujours facile de déceler un comportement passif-agressif et “cela peut mettre plusieurs années”, complète Maïté Tranzer. “D’autant que tout le monde peut présenter ce comportement”, ajoute-t-elle. Face à ces individus qui n’assument jamais leurs responsabilités, qui cachent leur dépendance aux autres et à leur approbation, il est très compliqué de garder son calme. “C’est un comportement toxique extrêmement déstabilisant pour les autres”, souligne l’experte.
La stratégie de faux naïf, qui démonte les arguments pour identifier son incohérence, ou la CNV (communication non violente) permettent d’obtenir une connexion bienveillante avec les personnes dites passives-agressives.
Mais dans les faits, c’est un trouble qui se règle généralement grâce à une thérapie, pour pousser l’individu à apprendre à s’affirmer et à satisfaire ce besoin de reconnaissance sous-jacent.